Esclavages

Thème 2. La Nouvelle-Aquitaine et les outre-mers : la douloureuse question de l’esclavage.

La Rochelle, Rochefort, Bordeaux et Bayonne ont aussi en commun d’avoir pratiqué la traite négrière, un aspect de l’identité, certes douloureux et peu glorieux, mais qu’on ne saurait effacer, d’autant que s’est exprimée une vraie demande sociale dans ce domaine[1]. Or, il faut pouvoir répondre à cette demande sociale dans un cadre dépassionné, et selon une démarche scientifique et historique qui est seule susceptible d’aboutir à des résultats pertinents. Notre propos est de dépasser l’éclatement monographique pour proposer une approche régionale, dans le cadre de la Nouvelle-Aquitaine, y compris en intégrant de nouveaux champs de recherche (esclaves noirs, amérindiens ou même indiens, présents en Nouvelle-Aquitaine). La comparaison nous paraît d’autant plus pertinente qu’on a affaire à des ports qui se sont adonnés à la traite de manière très différente, ne serait-ce qu’en termes d’ampleur, puisque si La Rochelle et Bordeaux totalisent 427 et 393 expéditions, on n’en compte que 20 pour Rochefort et 9 pour Bayonne. Il s’agira donc, premier temps de notre démarche, d’établir un bilan, qui s’impose en raison du renouveau de la question ces quinze dernières années, et qui permettra d’établir solidement l’assise scientifique de la question, pour ensuite dépasser la statistique et redonner place à l’humain, selon la méthode évoquée précédemment. Il s’agira de collecter des documents d’archives, travail auquel on associera des étudiants de master recherche des établissements concernés, ainsi que des étudiants de master MEEF (enseignement) qui travailleront notamment sur la valorisation pédagogique de ces documents, car le but est bien non seulement de mettre à disposition ces documents, mais de les assortir en outre de propositions d’utilisations pédagogiques pour une valorisation auprès des établissements du premier et du second degré, pour constituer des documents pédagogiques à exploiter en classe.

Notre propos sera aussi de porter notre intérêt sur des espaces jusqu’à présent peu retenus par la recherche historique, comme l’île Bourbon ou l’île de France. On s’intéressera ainsi à la route de l’esclave, entre Mascareignes et Nouvelle-Aquitaine. On sait ainsi que les expéditions négrières bordelaises ont inclus dans leur parcours une étape aux Mascareignes ; des recherches ponctuelles font état d’Aquitains établis aux îles Bourbon ou de France, tel le père du poète Auguste de La Caussade, mais jusqu’alors, la question des relations entre les territoires de la Nouvelle-Aquitaine et les Mascareignes a finalement été très peu étudiée. Travailler en ce sens serait pertinent dans la mesure où c’est un sujet neuf, où il y aurait là des éléments essentiels pour mettre en perspective ce qu’on sait par ailleurs de la traite négrière en direction des Antilles, et où une collaboration avec les collègues réunionnais, déjà amorcée, s’avérerait riche de perspectives. Il s’agira notamment de mettre en œuvre un partenariat privilégié avec l’association historique internationale de l’océan indien (AHIOI), l’ARCC (Association Réunionnaise Culture et Communication) et la semaine de l’histoire, de Saint-Denis de la Réunion, qui consacre chaque année une journée à un état des lieux des recherches dans le domaine de la traite. Il y aura en outre là la possibilité d’interconnecter les recherches néoaquitaines avec celles qui se mènent dans l’espace indianocéanique, où se développe toute une historiographie généralement mal connue en France métropolitaine. Une telle coopération permettrait en outre une ouverture de notre réseau international, vers les universités de Madagascar, de l’île Maurice, et de l’espace indien.

Les fruits de ce travail seront rassemblés dans le cadre d’un ouvrage collectif sur la Nouvelle-Aquitaine et l’esclavage dont l’écriture s’opérera tout au long du projet et qui pourra être édité sous la forme d’un ouvrage illustré, qui sera à la fois solide scientifiquement, mais à destination d’un public large. Cette approche collective s’appuiera également sur une thèse de doctorat préparée dès 2017, par Olivier Caudron, sous la direction de Mickaël Augeron, autour des « Noirs, mulâtres et gens de couleur » en Aunis et Saintonge aux XVIIe et XVIIIe siècles.

[1] En témoignent l’instauration de la journée du 10 mai il y a bientôt dix ans, l’inauguration en 2015 du Mémorial ACTe en Guadeloupe, l’action de plusieurs associations implantées en Nouvelle-Aquitaine (Mémoires et Partages à Bordeaux, Mémoria à La Rochelle…), l’exposition Triangle doré, à l’hôtel de Bordeaux Métropole en octobre 2016, la rénovation des salles du Musée d’Aquitaine ou de celui du Nouveau Monde à La Rochelle.