Thème 3. La Nouvelle-Aquitaine et les outre-mers : le métissage des cultures matérielles
Thé, café, chocolat, oranges, citrons… Toutes ces denrées exotiques débarquent en Nouvelle-Aquitaine à l’époque moderne et contribuent à façonner la culture de la Nouvelle-Aquitaine et son identité. Songeons ainsi à tout ce que le secteur agricole de Nouvelle-Aquitaine doit à l’introduction du maïs, tandis que le remplacement du pastel par l’indigo a transformé les équilibres économiques. L’arrivée de ces nouveaux produits a permis dans plusieurs villes le développement d’activités préindustrielles (raffinage du sucre, développement de la liquoristerie avec une maison comme Marie Brizard…). Ces quelques fleurons sont les témoins de la profonde influence de l’outre-mer sur la culture de Nouvelle-Aquitaine. En sens inverse, c’est par les ports de ce Sud-Ouest atlantique que partent les marchandises françaises vers les ports d’outre-mer, et c’est ainsi que l’on retrouve, dans les habitations antillaises ou dans les propriétés canadiennes le vin de Bordeaux, le Cognac, les prunes d’Agen, les chaudières fabriquées dans l’arrière-pays. Dans un sens comme dans l’autre, ces produits qui viennent d’ailleurs sont importés et s’intègrent à la culture locale, donnant lieu à des formes de syncrétisme. Avec les produits viennent les objets, et avec les objets, les pratiques. Avec le café se développe la cafetière et le « cabaret », petit meuble à plateau souvent en bois exotique, sur lequel on pose tout le nécessaire – tasses, soucoupes et cuillères désormais dites à café, sucrier et pain de sucre en provenance des Antilles – et une nouvelle façon de recevoir en société, tandis que s’ouvrent des « cafés ». Si le phénomène a été bien étudié pour Paris, si l’on a des éléments de réponse solides pour La Rochelle et Bordeaux, avec les travaux de Brice Martinetti, Michel Figeac et Caroline Le Mao, on est moins renseigné pour Bayonne et l’on en sait peu sur la pénétration de ces produits dans les moyennes et petites villes. L’obtention d’un soutien de la région sera l’occasion de faire faire des vacations à des étudiants pour repérer, dans les inventaires après décès, la mention de ces produits et objets, pour mesurer la pénétration de la culture matérielle d’outremer dans le territoire nouvel-aquitain et en déterminer les formes. On portera notamment un intérêt particulier aux minutes notariées des villes et ports fluviaux, sur le long de d’Adour et de ses affluents (Dax, Orthez, Pau), sur la Garonne, (Langon, La Réole, Marmande, Agen), la Dordogne (Libourne, Sainte-Foy la Grande, Bergerac), la Charente (Rochefort, Saintes, Cognac, Angoulême), dans le but de mettre en valeur le rôle des fleuves dans la pénétration de l’influence ultramarine à l’intérieur des terres de Nouvelle-Aquitaine. Dans cette enquête, on accordera une attention particulière au patrimoine mobilier des gens de mer, déjà pressentis comme les vecteurs particuliers du goût, de la mode et des nouveautés, bref d’une culture matérielle importée depuis les grands ports vers les campagnes, les bourgs et les villes moyennes dont ils étaient originaires. En miroir, on recherchera la présence des productions et objets de Nouvelle-Aquitaine dans les espaces ultramarins, témoins de l’influence de ce territoire. Le travail est en cours de réalisation dans le cadre d’une thèse de doctorat réalisée par Cécile Pierre-Parant, mais un soutien de la région permettra d’étendre la prospection et d’organiser un colloque sur le sujet où l’on exposera ces résultats et où on les confrontera à ceux qui ont pu être obtenus dans d’autres espaces français, comme Nantes ou Marseille, mais aussi Paris, Lyon, Lille, pour voir s’il est permis de dégager une originalité néoaquitaine. Les résultats obtenus seront valorisés et mis en perspective dans le cadre d’un colloque international sur La Nouvelle-Aquitaine et les outre-mers : cultures matérielles métissées. Cette rencontre proposera trois échelles d’analyse : les résultats obtenus pour la Nouvelle-Aquitaine, dans une perspective croisée (présence de la Nouvelle-Aquitaine en outre-mer, influence ultramarine en Nouvelle-Aquitaine) ; la comparaison du cas néoaquitain avec les autres espaces français (on pensera par exemple à Nantes ou Le Havre, ports coloniaux situés sur des axes fluviaux permettant une pénétration de l’influence ultramarine à l’intérieur de la métropole, mais aussi Marseille et l’influence du Levant) ; une mise en perspective internationale, par l’invitation de spécialistes de la question pour l’Angleterre, l’Espagne, l’Italie, la Hollande principalement.