Innovation

Thème 5. La Nouvelle Aquitaine et les outre-mers : une relation motrice de l’innovation.

L’ouverture maritime des XVIe-XVIIIe siècles a créé les conditions d’une entrée dans la mondialisation pour les territoires néo-aquitains. Le changement d’échelle des pratiques, des usages et des relations s’est effectué en direction de l’outre-mer, via les grands ports, mais aussi en amont, vers les communautés maritimes rurales ou issues des villes moyennes. C’est donc le thème de l’intégration régionale et au-delà, de l’identité néo-aquitaine qui peut se nourrir de l’étude des innovations induites par le rapport aux outre-mers. Cette relation entre la Nouvelle-Aquitaine et les outre-mers a donc été facteur d’innovation. S’il ne serait, là encore, pas raisonnable d’entendre mener des études exhaustives sur le sujet, l’exploration de ces thématiques pourra être entreprise en collaboration avec un réseau de recherches pluridisciplinaire : le Groupement d’intérêt scientifique Histoire et Sciences de la Mer (GiS HSM). Le laboratoire CRiHAM, à travers les travaux de son séminaire de recherche « Environnements, territoires et circulation maritimes » posera dès janvier 2017 les bases d’une réflexion qui se poursuivra sur un mode pluridisciplinaire, avec l’organisation du IIIe colloque international du GiS HSM, à Poitiers en novembre 2017. Le thème de l’innovation maritime, entre actualité et histoire, sera donc exploré durant cette première année du programme, puis un semestre par an, sous forme d’un séminaire proposé sur la durée du programme. Nous examinerons les innovations que les acteurs régionaux ont dû s’approprier pour parcourir les océans dans le but d’entretenir des liens politiques, économiques, culturels ou humains au long cours. Les territoires de la Nouvelle-Aquitaine ont maîtrisé la dilatation des espaces maritimes exploités, installé Bordeaux au 1er rang des ports français, maintenu La Rochelle parmi les ports du long cours, permis la création d’un port de projection militaire et coloniale comme Rochefort. Ces têtes de réseau régionales n’ont pu atteindre l’échelle mondiale qu’en dépassant des limites, en surmontant des crises (de croissance, de reconversion) et en maîtrisant des adaptations. C’est là qu’a résidé l’innovation, fruit d’un décloisonnement complet des pratiques, des techniques, des réseaux dans un espace de solidarités correspondant au littoral de la Nouvelle-Aquitaine, la Vendée faisant figure de frontière septentrionale au-delà de laquelle un système breton et nantais s’organisait. A l’intérieur de ce Centre-ouest et de ce Sud-ouest régionaux, le regard des historiens est trop longtemps demeuré captif de visions bâties depuis un seul port. Dès la fin du Moyen-âge, il a fallu étendre les réseaux de collaboration entre les détenteurs d’un capital aux multiples facettes (savoir-faire, pratiques commerciales ou financières) afin de permettre la croissance, l’adaptation ou la résilience dans le cadre d’une économie monde. Les innovations correspondantes sont nées d’initiatives coordonnées, entre partenaires basques, girondins et charentais, parfois en lien avec des acteurs des Pays Hauts (Limousin, Périgord, Béarn). La liste des champs d’expérimentation de ces innovations est impressionnante. Il a aussi fallu faire progresser la sécurité, celle de la navigation en premier lieu, mais aussi celle du fret (conditionnement, assurances), celle des routes et des havres fréquentés par les marins, celle enfin, des approvisionnements en matériaux et denrées nécessaires pour bâtir les navires et nourrir les sociétés littorales impliquées dans ce vaste mouvement. Cette sécurité n’a jamais visé le risque zéro. Elle s’est efforcée de limiter les aléas indissociables de la projection d’un territoire européen vers les horizons ultramarins. Pour circonscrire et limiter les effets de ces aléas, les acteurs ont pu compter sur les innovations militaires, bien sûr, mais pas uniquement. Protéger c’était également prévoir, anticiper, prévenir. On abordera donc l’amélioration de la connaissance de l’élément marin (météo, marées, routes, position) ou des risques biologiques que la navigation outre-mer faisait courir à ses participants (maladie, blessure) sans oublier les impacts sur l’environnement, que ce soit par l’importation consciente ou accidentelle d’espèces exogènes (ex : les huîtres[1] « portugaises » venues en réalité de Macao via l’estuaire du Tage) ou bien par la densification des usages, des aménagements et des densités humaines littorales. Avec les travaux des académies provinciales, des érudits de la bourgeoisie des Lumières, les progrès médicaux accomplis par les services de santé de la Marine, les innovations surgies des chantiers navals[2] et des ateliers qui les approvisionnaient, les aménagements planifiés et mis en œuvre par des ingénieurs ou encore le contrôle accru des sociétés littorales, c’est tout un pan de l’histoire régionale qui devra être révélé, et replacé dans un contexte national, européen, mondial. Plus près du terrain littoral (et fluvial) on ne saurait oublier que la Nouvelle-aquitaine et les Outre-mers aux temps modernes, c’est aussi un vaste espace de transferts de techniques et de pratiques halieutiques, notamment autour des grandes pêches. Cette action de recherche donnera lieu à la publication d’un numéro spécial de la revue Tierce (revue en ligne du CRiHAM) au 1er semestre 2018. Pour 2018, on programme également la parution d’un ouvrage collectif qui fera le point sur les questions d’innovation maritime dans une perspective historique et pluridisciplinaire. Enfin, de ces actions devraient permettre d’élaborer des réponses à des appels à projet, à l’échelle nationale (ANR) voire européenne (ERC), notamment dans la perspective du programme H2020 sur le patrimoine côtier.

[1] Thierry Sauzeau, « Du sel aux huîtres : la mutation socio-économique du littoral saintongeais (XVIIe-XIXe s.) », Revue Historique du Centre Ouest, t.II, 2e semestre 2005, p.321-368.

[2] Voir Caroline Le Mao, Les arsenaux de Marine du xvie siècle à nos jours, en octobre 2016, dont plusieurs communications ont démontré le rôle de ces établissements dans le domaine de l’innovation.